Tout allait pour le mieux jusqu’en 2014 et l’annexion de la Crimée par la Russie. L’Ukraine a alors perdu plus de la moitié de ses bouteilles – les meilleures, diront certains, ou les plus réputées. La production est tombée à 670 000 hectolitres par an, soit cinquante fois moins qu’en France, un pays de taille comparable, selon un article du magazine Capital publié le 6 mars 2018. Pourtant, cette amputation n’a pas anéanti le vignoble, au contraire. Par réflexe nationaliste, les Ukrainiens se sont mis à boire local. Avec cette conséquence : la production a augmenté chaque année de 7 % à 9 %. Et la consommation a bondi de 10 % en 2019. La France était alors son deuxième fournisseur après l’Italie.

La culture du vin s’amplifiait donc en Ukraine, un atout parmi d’autres visant à souder une nation. A développer le tourisme aussi. Son vignoble s’organisait, la production maison commençait à gagner le marché international et ses importations de vins étrangers s’étoffaient.

Achat prohibitif

L’intérêt des Ukrainiens pour leur vin a aussi été dopé par la dévaluation de leur monnaie en 2014 et 2015, la hryvnia perdant les deux tiers de sa valeur face au dollar. L’achat de vins étrangers s’en est trouvé prohibitif – hormis pour les plus fortunés – alors qu’une bouteille de vin ukrainien coûtait en moyenne entre 3 et 6 euros. D’où l’apparition récente à Kiev de bars à vins uniquement ukrainiens, comme Like a Lokal’s, comme le racontait encore Capital.

La situation était donc optimale avant la guerre. Qui a évidemment anéanti ce dynamisme, et plus que cela. Le seul vignoble éloigné des combats est celui planté en Transcarpatie, région montagneuse et touristique de l’ouest du pays, réputée pour ses sources thermales et ses stations de ski. Le vin blanc y est convoité et la vigne, dynamique, avec en prime neuf festivals consacrés au vin dans la région, attirant 150 000 visiteurs par an, selon son centre d’information touristique.

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En revanche, dans l’est de l’Ukraine, autour de la mer Noire et non loin de la Crimée, où le doux climat à tendance méditerranéenne est favorable à la vigne, un gros vignoble s’est vu frôler par des combats et des destructions parmi les plus épouvantables. Une des principales zones de vignes se trouve autour des villes de Kherson, prise récemment par l’armée russe, et d’Odessa.

Hausser la qualité

L’œnologue français Simon Blanchard, consultant notamment pour l’entreprise viticole Shabo (1 500 hectares de vignes), dans l’oblast d’Odessa, se souvient, admiratif, des années douces dans cet ancien kolkhoze, acheté en 2003 par la famille géorgienne Lukuridze, afin que l’Ukraine sorte d’une culture de l’alcool pour s’orienter vers celle du vin. « Ce ne sont pas des rigolos chez Shabo ! Ils ne plaisantent pas ! »